Nwafo Dolly Sorel de son vrai nom a su s’imposer rapidement auprès du public en embrassant la prose. Elle confie avoir soigné sa timidité et son introversion par la pratique de son art.Artiste multifacettes, Lydol est aussi l’organisatrice du festival Slam’Up, mêlant slam et stand up (seule en scène) dans plusieurs villes camerounaises. Cette détentrice d’un Master 2 en sciences économiques a toujours soif d’apprendre, mais aussi de partage car elle compte mettre à profit son expérience auprès des jeunes générations. Rencontre avec la nouvelle et pétillante ambassadrice du slam en Afrique.
LFM : Qu’est-ce qui vous a poussé dans le monde du slam qui n’est pas encore très ancré dans la culture camerounaise, alors que votre cursus scolaire vous orientait ailleurs ?
J’ai toujours été passionnée d’écriture, tout ce qui a trait aux lettres et à la poésie. Je découvre le slam en 2010 grâce à Moustique le Karismatique lors de la compétition Challenge Vacances. Là, je réalise que c’est toute une forme d’expression, toute une discipline musicale qui existe et qui porte le nom « Slam ». En réalité je faisais du slam sans le savoir. Je me retrouve là d’abord par curiosité, puis par passion et aujourd’hui, j’ai décidé d’en faire mon métier.
- Votre impact est indéniable sur la jeune génération Camerounaise et même au-delà. Comment gérez-vous cette pression désormais ?
Le fait d’être de plus en plus populaire et de savoir que notre voix est écoutée a ceci de particulier qu’aujourd’hui, on est conscient du fait que les messages qu’on va envoyer vont être entendus. Il y’ a aussi une grosse pression parce qu’il faut faire attention à tout ce qui est dit, tout ce qui est fait et à l’exemple qu’on veut montrer. Ce n’est pas toujours facile, mais disons qu’on fait attention à tout ce qu’on essaye de transmettre comme information.
- Votre musique intitulée « le ndem », a été regardée plus de 500 mil fois sur YouTube, ce qui est assez élevé. Quel message transmettez-vous au travers de ce titre et, avez-vous le sentiment que votre message soit véritablement passé ?
Contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent penser, c’est un titre très engagé. Ici, il y’ a une véritable satire. Une certaine dénonciation des exactions sociales et de plusieurs faits de sociétés. Parler de Ndem, c’est parler de tout ce qui ne marche pas. Quand on sait que dans notre environnement beaucoup de choses ont du mal à bien fonctionner, on peut comprendre en fait. Ce qui de bien avec Le Ndem, c’est que de nombreuses personnes du fait de la langue et du rythme ont écouté les paroles, même s’ils n’ont pas forcément compris le message. Toutes ces personnes ont prêté attention à ce que je voulais dire, ont découvert le slam et en même temps Lydol d’une certaine manière. Je sais que le message est passé pour la plupart. Quand je vois l’impact, je réalise aujourd’hui que c’est l’une de mes chansons les plus populaires et grâce à ça, je pense que le message est passé. Je crois qu’il est temps de rectifier beaucoup de choses mal faites.
- Quel est l’aspect le plus gratifiant dans la pratique de votre métier ?
Ressentir l’émotion dans les yeux des gens est de loin L’aspect le plus gratifiant. Il y’ a quelque chose de particulier qui me remplit toujours d’émotions, c’est lorsqu’une personne se reconnait à travers mes mots et qu’elle vienne me dire après « j’ai écouté ton texte et j’ai eu l’impression que tu parlais de moi ou de ma vie, merci parce que ça m’a aidé à voir les choses autrement, ça m’a aidé à surmonter telle ou telle situation ». C’est le plus beau cadeau que je puisse recevoir dans mon travail et c’est vraiment important de pouvoir parler au cœur des gens, c’est vraiment un plaisir.
- Comment entrevoyez-vous l’avenir du slam au Cameroun ?
Déjà, je vois beaucoup de slameurs, slameuses et la popularisation grandissante actuelle de cet art fait en sorte que dans un futur proche, il y’ aura de plus en plus d’évènements et beaucoup plus de personnes qui vont s’y intéresser. J’espère que ça va permettre de créer non seulement des plateformes d’expressions, mais aussi donner la possibilité à tous les hésitants de se lancer parce qu’au-delà de l’art, du business entre guillemets, le slam est d’abord une thérapie humainement parlant. C’est quelque chose qui m’a beaucoup aidé ainsi que les gens autour de moi et, j’espère que ça pourra aider beaucoup d’autres personnes encore.
- Se lancer dans le Slam nécessite-t-il un type de formation spécifique, et, au-delà de sa beauté artistique et inspirante, comment rentabiliser ?
A proprement parlé, Le Slam ne nécessite pas de formation particulière. Je le dis parce que beaucoup ont pensé qu’il faut être passionné de lettres, qu’il faudrait avoir fait de grandes études et tout, pourtant, l’un des plus beaux ateliers et de textes que j’ai fait, c’était avec des enfants de la rue qui ne sont jamais allés à l’école. C’est ce qui m’a prouvé qu’en fait, le plus important dans le slam, ce n’est pas tant la beauté des lettres, ni la résonance des mots mais, plus la vérité, l’expression honnête des émotions qu’on essaye de traduire et de partager comme sentiment. Il est rentable comme toutes les formes d’arts et toutes les formes de métiers mais nécessite une certaine organisation. Aujourd’hui, on a l’avantage que le slam en tant que rythme musical, se vend comme la musique ordinaire ; C’est-à-dire en streaming, à travers des concerts ainsi qu’en CD. L’autre avantage en tant que slameur est de pouvoir animer des ateliers, faire des conférences et de pouvoir coacher sur la prise de parole en public et la confiance en soi.
Propos recueillis pars Solange Carole KANI